L’ambition est claire pour l’Europe : être le premier continent neutre pour le climat d’ici à 2050. Pour répondre à cet enjeux de taille, l’UE a mis en place “le pacte vert pour l’Europe”. Lancé en 2019, il vise à transformer l’UE en une économie moderne, compétitive et respectueuse de l’environnement. Il s’agit d’une réponse forte de la commission européenne face aux défis du changement climatique. Le premier palier en 2030, vise une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1990.
Le pacte vert est la feuille de route environnementale de l’Europe avec des points d’importance :
Le dernier point est crucial et est notifié dès les premières lignes du texte : tous les domaines de compétence de l’Union sont alors concernés par le Green deal. Il se décline dans des stratégies sectorielles présentée en 2019 : la stratégie industrielle pour l’Europe, un plan d’action pour l’économie circulaire, la stratégie pour la biodiversité et la stratégie pour l’intégration des systèmes énergétiques et pour l’hydrogène.
Cette série de propositions a été enrichie en automne 2020 par six autres stratégies. Afin d’accompagner le pacte vert, l’Europe a voté en faveur de deux directives : la CSRD et la Taxonomie verte.
La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) est la mise à jour de l’actuel directive NFRD crée en 2014. La NFRD avait créé des obligations de reporting et de transparence sur la durabilité pour de nombreuses entreprises européennes. Elle avait été traduite en France via la DPEF (Déclaration de performance extra-financière).
Entrée en vigueur en janvier 2024, la CSRD renforce l'obligation pour les entreprises de publier des informations sur leur durabilité. Ces informations, réparties en trois catégories (environnement, social et gouvernance), doivent respecter le principe de double matérialité, tenant compte à la fois de leur impact sur la société et l'environnement ainsi que de leur importance financière. De nombreux renseignements comme une description du modèle d’affaire, les objectifs et échéances de l’entreprise, le rôle des différents pôles internes, les politiques de l’entreprise, les principales incidences négatives et les mesures pour contrer ces effets devront figurer dans ce rapport extra-financier. En résumé, ces données permettent de visualiser la transition vers l’économie circulaire des entreprises.
Pour encadrer cette publication, des normes de reporting européennes, appelées normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards), sont élaborées afin d’avoir des rapports ESEF (European Single Electronic Format) lisible tant par l’humain que par une machine. Elles visent à uniformiser le langage utilisé et à faciliter la comparaison des performances des entreprises. De plus, la directive prévoit la vérification des rapports par des organismes tiers indépendants pour assurer la fiabilité des informations. Ces données seront ensuite intégrées à la plateforme numérique européenne ESAP (European Single Access Point) pour orienter les investissements vers la durabilité, contribuant ainsi aux objectifs du Pacte Vert pour une croissance durable et inclusive.
Ce reporting extra-financier inclu les données ESG (Environnementaux, Sociaux et Gouvernance) :
⇒ Concernant les facteurs environnementaux, il s'agit de prendre en compte des éléments tels que l'atténuation et l'adaptation au changement climatique, la préservation de la biodiversité, ainsi que l'utilisation durable des ressources naturelles.
⇒ En ce qui concerne les facteurs sociaux, il est important de considérer des aspects tels que la promotion de l'égalité des chances, les conditions de travail équitables, et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
⇒ En ce qui concerne les facteurs de gouvernance, il convient de se pencher sur différents aspects : tel que le rôle et la responsabilité des organes d'administration, les pratiques de lobbying, et la manière dont sont gérées les relations avec les partenaires commerciaux.
Le périmètre d’application de la CSRD est bien plus large que son prédécesseur, la NFRD. À l’heure actuelle, il rend le reporting obligatoire pour plus de 45 000 entreprises en Europe contre 12 000 précédemment. Initialement, les directives de reporting européennes ne concernaient uniquement les grandes entreprises de plus de 500 employés (les sociétés cotées en bourse, les banque, les compagnies d’assurances, etc…) mais avec la CSRD, de nombreuses autres entreprises plus petites rentrent dans le périmètre :
⇒ Le premier reporting en 2025 (pour l’année 2024) concerne les entreprises déjà soumises à la NFRD : plus de 500 salariés, plus de 50 millions € de CA et plus de 25 millions € de bilan total. Ces entreprises sont déjà habituées au reporting extra-financier, même si l’uniformisation des données est nouveau pour elles.
⇒ En 2025, les entreprises de plus de 250 salariés avec un CA de 50 millions € et plus de 25 millions € de bilan vont êtres soumis à cette réglementation. Ils disposent d’une année supplémentaire pour se préparer à élaborer le reporting, une première pour la majorité d’entre eux.
⇒ En 2026, les PME cotées en bourse (hors micro-entreprises) seront toutes soumises à cette nouvelle réglementation. C’est un changement de paradigme fort pour ces entreprises qui sont encouragées à publier leurs informations de durabilité simplifiée qui sont proportionnelles à leurs besoins et capacités internes.
À SAVOIR : Les entreprises étrangères réalisant un chiffre d'affaires net d'au moins 150 millions d'euros dans l'Union européenne, et ayant au minimum une succursale (générant un chiffre d'affaires net d'au moins 50 millions d'euros) ou une filiale dans l'UE (qu'il s'agisse d'une grande entreprise ou d'une PME cotée), sont aussi concernées.
Il est crucial de noter que la directive CSRD ne touche pas uniquement les entités tenues de produire un rapport de durabilité. En réalité, les acteurs de la construction doivent faire circuler la donnée carbone tout au long de la chaîne de valeur, car elle implique que les divers partenaires commerciaux (fournisseurs, sous-traitants, etc.) des entreprises assujetties à l'obligation de rapportage transmettent certaines informations.
En effet, selon l’UNEP : « Pour que le secteur du bâtiment soit sur la bonne voie pour atteindre un net zéro carbone d’ici à 2050, tous les acteurs de la chaîne de valeur du bâtiment doivent multiplier par cinq les actions de décarbonisation et leur impact ».
Cette transparence va également entraîner une élévation des normes environnementales pour améliorer les performances de l'entreprise, normes qui seront soit imposées, soit négociées avec ses partenaires commerciaux. De plus, la directive CSRD a un impact sur les clients des entreprises devant produire un rapport de durabilité. En effet, tous auront accès aux informations divulguées dans le rapport et pourront les prendre en considération lors du choix de leur partenaire commercial. Les acheteurs publics auront par ailleurs la possibilité de rejeter les offres des entreprises soumises à cette obligation et qui n'ont pas respecté leurs engagements pour l'année précédente.
Le rapport de durabilité a pour objectif de pousser les acteurs de la construction vers une économie circulaire et ses nombreux facteurs environnementaux associés.
À SAVOIR : Une consultation concernant des normes sectorielles autour de la construction par l’EFRAG va avoir lieu au printemps 2024 avec comme thèmes la construction et le génie civil, l’immobilier, les matériaux de construction et l’ameublement.
Le rapport entre le Scope 3 des émissions de GES et la CSRD se manifeste par les exigences accrues de transparence et de reporting détaillé. De plus, le scope 3 représente 30 à 60% de la part du bilan carbone pour le secteur de la construction selon l’ADEME. Sous la CSRD, les entreprises du secteur de la construction doivent :
⇒ Mesurer et rapporter les émissions Scope 3 : Les entreprises doivent évaluer et déclarer les émissions indirectes dans leur chaîne de valeur, ce qui peut inclure les émissions des fournisseurs de matériaux de construction, le transport, la construction et la démolition des bâtis.
⇒ Intégrer dans le Reporting de Durabilité : Les informations sur les émissions de Scope 3 doivent être intégrées dans les rapports de durabilité conformément aux normes européennes, fournissant une vue d'ensemble complète de l'impact environnemental de l'entreprise.
⇒ Répondre à des objectifs de déduction : Les entreprises doivent définir des objectifs de réduction des émissions de GES, y compris pour les émissions de Scope 3, et rendre compte des progrès réalisés.
En résumé, pour les entreprises du secteur de la construction, la CSRD implique une prise en compte plus exhaustive des émissions de Scope 3 dans leurs rapports de durabilité, ce qui nécessite une analyse approfondie de toute la chaîne de valeur et la mise en place de stratégies claires pour réduire ces émissions.
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Pour qu’une activité soit classée comme durable, il faut qu’elle respecte un des six objectifs ci-dessus sans causer de préjudice important aux autres objectifs.
La Taxonomie verte définie donc un seuil d'émissions de CO2 en dessous duquel une entreprise est considérée comme "durable", contribuant ainsi positivement à l'environnement. Les entreprises ou activités respectant ces seuils sont classées comme contribuant de manière substantielle à l'atténuation et à l'adaptation au changement climatique. Adopté en juin 2020, le règlement de la taxonomie entre progressivement en vigueur depuis début 2022 : il s'applique à plus de 107 secteurs économiques qui représentent 93 % des GES au sein de l'Union européenne, dont le secteur de la construction.
Les trois niveaux de classification sont :
⇒ Secteurs déjà reconnus comme à faible émission de carbone et conformes à l'accord de Paris (par exemple : les transports à faible émission) ;
⇒ Secteurs contribuant à la transition vers une économie à émissions nettes nulles d'ici à 2050 malgré des défis économiques et technologiques (par exemple : la rénovation des bâtiments) ;
⇒ Secteurs favorisant la "verdissement" ou la réduction des émissions d'autres activités, comme le développement de technologies permettant une diminution significative des émissions dans d'autres domaines (par exemple : une usine produisant des éoliennes).
Ce système de classification établit des critères pour déterminer quelles activités économiques peuvent être considérées comme durables sur le plan environnemental, afin de diriger les investissements vers des activités qui contribuent substantiellement aux objectifs environnementaux de l'Union européenne tout en évitant de causer des préjudices significatifs à d'autres objectifs environnementaux.
La Taxonomie verte concerne actuellement 3 types d’entreprises : ⇒ Les entreprises, qu'elles soient cotées ou non, qui sont soumis à la CSRD.
⇒ Les acteurs financiers, tels que les banques, les fonds d'investissement, les institutions de supervision financière comme les banques centrales, ainsi que les compagnies d'assurances, sont également concernés par la taxonomie verte. Ils doivent s'aligner sur les exigences de divulgation de durabilité et contribuer à l'adoption de mesures publiques, de normes ou de labels pour les produits financiers verts et les obligations vertes.
⇒ L'Union européenne et les États membres sont chargés de mettre en place des mesures publiques, des normes ou des labels. Ces instaurations, ont pour objectif de promouvoir les produits financiers verts et les obligations vertes, contribuant ainsi à l'adoption et à la mise en œuvre de la taxonomie verte.
Étant donné sa contribution significative aux problématiques environnementales et les possibilités existantes pour réduire ses émissions, il est logique que le secteur de la construction soit inclus parmi les macro-secteurs concernés par la taxonomie verte. Par exemple, pour la construction d’un bâtiment de plus de 5000m2, la taxonomie veut qu’une Analyse de Cycle de Vie (ACV) (comme pour la RE 2020) soit réalisée afin d'évaluer l'impact environnemental total du bâtiment tout au long de son cycle de vie, de la construction à la démolition. Cela inclut également des critères de performance énergétique et de réduction des émissions de CO2.
Cette taxonomie est progressivement mise en œuvre depuis 2021 et s'applique désormais à toutes les entreprises assujetties à la CSRD. La Taxonomie concerne donc tous les acteurs de la construction en vue de recherche de financements. Une entreprise qui cherche à financier son projet de construction va devoir mettre en avant ses rapports extra-financier et son implication dans la baisse des GES pour obtenir le soutien des banques (elles-mêmes aussi soumis à ces directives : leurs investissements dans des activités vertes sera valorisé.) Par exemple, une banque va donner des taux préférentiels aux opérations vertes.
De même, un promoteur immobilier doit se tourner vers des prestataires plus responsable (cela concerne donc toute la chaîne de valeur) dans le but de construire plus responsable et obtenir ces fameux financements de la part des banques et autres investisseurs.
Cependant, encore 80 % ne communiquent aucun objectif environnemental chiffré et sur le scope 3 (qui représente 90% des GES des promoteurs immobiliers)
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CSRD et Taxonomie verte, des directives complémentaires au service d’une Europe verte
La CSRD et la Taxonomie verte s’alignent sur de nombreux points. Une entreprise soumise à la CSRD devra prendre en compte les attentes de la Taxonomie verte dans son rapport extra-financier. De même, une entreprise privée (hors entreprise financière) non soumis à la CSRD n’a pas d’obligation de communiquer sur ses activités durables légalement.
Cependant, cela va devenir la norme dans les années qui arrivent et se positionner en tant qu’acteur engagé dans la cause environnementale est aujourd’hui un avantage concurrentiel en premier lieu, et un avantage pour les potentiels financements. Les banques étant soumises à la Taxonomie verte, la part de leurs investissements dans des entreprises durables est prise en compte.
La suite pour le milieu de la construction ?
L’EPBD, la directive spécifique à la construction
Nous savons que le secteur de la construction représente 37% des émissions de GES en Europe dont 10 % sont issues de l’impact des matériaux de construction. Sachant que la neutralité carbone est l’objectif européen pour l’année 2050, le secteur de la construction se trouve en première ligne. Pour accompagner ces directives, la Commission européenne a mis en place l’EPBD (la directive sur la performance énergétique des bâtiments) qui vise à réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre et obliger les bâtiments neufs à réaliser un bilan carbone dès 2030 en UE grâce à la méthode d’ACV du bâtiment
À SAVOIR : En 2040, les émissions intrinsèques des matériaux de constructions seront au même niveau que les émissions opérationnelles.
Les objectifs fixés par l’UE sont très ambitieux avec une réduction des consommations d’énergie des bâtiments résidentiels de : 16 % d’ici à 2030 et 20 à 22 % d’ici à 2023. De même, environ 50 à 60 % de cette réduction devra provenir des 40 % de bâtiments les moins performants.
Concernant les bâtiments résidentiels, la réglementation est plus stricte : 16 % des bâtiments les moins performants devront être rénovés d’ici à 2030 et les 26 autres % d’ici à 2033. La proposition initiale de la Commission européenne vise la fin des logements à diagnostic de performance énergétique (DPE) G en 2030 et la fin des passoires thermiques (F&G) au plus tard en 2033. De plus, en 2028, toutes les constructions de +1000m2 devront respecter un budget carbone limité et le démontrer, calculs à l'appui. D'ici à 2030, cela s'appliquera à toutes les surfaces.
La France, un marché moteur !
En tant que pionnier de la construction et rénovation bas carbone, la France a un rôle d’informateur via ses retours d’expériences, mais aussi de conseil auprès des instances européennes. Ce rôle ne s’arrête pas seulement aux élus, mais à toute la chaîne de valeur : les promoteurs, les ingénieurs de la construction, les architectes, les solutions d’ACV (comme Vizcab) ou autres.
En tant que pionnier, nous avons acquis de l’expérience et un savoir-faire bas carbone grâce à nos réglementations novatrices (RT 2012 et RE2020). Cette avance est un avantage concurrentiel vis-à-vis du secteur européen de la construction, à mettre à profit au service d’un monde immobilier durable.
La neutralité carbone en 2050 comme objectif !
Les directives européennes telles que la CSRD, la taxonomie verte et l'EPBD mettent en lumière l'importance cruciale de l'Analyse de Cycle de Vie (ACV) dans le secteur de la construction. En intégrant l'ACV comme un pilier central de leurs exigences, ces directives visent à assurer une évaluation complète et rigoureuse des impacts environnementaux des bâtiments, de leur conception à leur démolition.
La CSRD oblige les entreprises à déclarer leurs émissions de gaz à effet de serre, y compris celles du Scope 3 qui couvrent l'ensemble de la chaîne de valeur, nécessitant une analyse détaillée de leur cycle de vie (ACV) pour mesurer et réduire les émissions, englobant les matériaux, la construction, l'utilisation et la fin de vie des bâtiments.
La taxonomie verte de l'UE, avec des critères stricts pour classer les activités économiques comme durables, exige une ACV pour les grands bâtiments (plus de 5000 m²) afin d'évaluer l'impact environnemental total, alignant le bilan carbone sur des seuils spécifiques et nécessitant des certifications énergétiques pour promouvoir des pratiques écologiques.
Par ailleurs, la directive EPBD vise à améliorer la performance énergétique des bâtiments, imposant des certificats de performance énergétique et encourageant la rénovation pour réduire la consommation d'énergie, faisant de l'ACV un outil essentiel pour optimiser cette performance tout au long de la vie des bâtiments.
Avec ces réglementations, il devient clair que l'ACV est indispensable pour atteindre les objectifs de durabilité de l'UE. Les entreprises et les acteurs du secteur de la construction devront systématiquement intégrer l'ACV dans leurs processus pour répondre aux exigences réglementaires et contribuer à une économie décarbonée.