Depuis le lancement de l’expérimentation E+C- en 2016, tous les acteurs de la construction se préparent à la généralisation de la construction bas carbone : la réglementation RE 2020 arrive ! Au fil du temps, la méthodologie E+C- a fait naître des intuitions sur l’influence de certains paramètres de conception sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). Chez Vizcab, nous avons voulu apporter notre pierre à l'édifice. Nous avons ainsi réalisé, avec le HUB des prescripteurs bas carbone, une étude de sensibilité sur ces différents paramètres de conception !
Pour réussir la mise en place de votre stratégie carbone, vous avez besoin de comprendre quels paramètres de conception ont le plus d’influence sur l’impact environnemental de vos projets. Ici, pas question de comparer différentes solutions de construction, pour en blâmer certaines ou faire l’éloge d’autres. L’idée est plutôt de montrer comment vos choix de conception changent l’impact de vos projets !
Cette étude a donc été réalisée sur la sensibilité des paramètres suivants :
Pour réaliser les analyses de cycle de vie (ACV) nous permettant de calculer la sensibilité de ces paramètres, nous avons utilisé l’outil Vizcab Explo – qui permet de générer des ACV selon la méthodologie E+C-, en très grande quantité et un temps record.
Plus concrètement, 20 000 scénarios d'ACV simplifiées sont générés avec très peu de données d’entrée : uniquement la volumétrie du bâtiment, sa localisation et sa typologie. Ainsi, il était possible de faire varier une vingtaine de choix architecturaux et techniques (comme le taux de vitrage, le nombre de places de stationnement…), et d'obtenir des résultats d'impact sur le réchauffement climatique moyen. Les calculs de sensibilité ont ensuite été réalisés avec un tableur.
Le Hub des prescripteurs bas carbone est une plateforme collaborative mise en place par l’Institut Français pour la Performance du Bâtiment (IFPEB) et Carbone 4. Son principe : soutenir les maîtrises d'ouvrage, les bureaux d'études ou les entreprises générales dans le développement de solutions bas carbone. Elle permet à ces acteurs d’accéder à des formations, une série d’outils et des prestations ciblées.
Les objectifs du Hub
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Lors de cette étude, Vizcab a travaillé en collaboration avec des experts du Hub afin de déterminer les paramètres de conception à étudier, mais aussi d’analyser les résultats avec différents points de vue.
Cette étude a finalement été présentée à tous les membres du Hub, qui ont pu comprendre l’influence des différents paramètres de conception et savoir comment prioriser la stratégie bas carbone de leurs projets.
L’objectif d’une telle étude est de quantifier la sensibilité d'une grandeur aux variations d'un paramètre caractéristique du système. Ici, le résultat étudié est l'impact sur le réchauffement climatique, et les paramètres du système sont les paramètres de conception précisés plus haut (le taux de vitrage des parois, compacité, etc.)
Il est important de préciser que ces paramètres doivent être indépendants, non liés, et qu’il faut donc n’en faire varier qu’un seul à la fois – le taux de vitrage, puis la compacité, puis… vous avez compris l’idée !
Pour réaliser cette étude, nous avons choisi deux projets construits : l’un de logements collectifs, l’autre de bureaux. Ces bâtiments sont situés en Seine-Saint-Denis :
Ces deux projets ont été modélisés par des volumétries simplifiées : 4 volumétries différentes pour l’étude de la compacité, et une volumétrie en rectangle pour les autres paramètres.
Cela a permis d’étudier l’influence sur l’indicateur de potentiel de réchauffement climatique des 7 paramètres de conception. Ces derniers ont été sélectionnés avec soin par les maîtres d'ouvrage et maîtres d'œuvre du Hub Bas Carbone : il s’agit de la compacité, du nombre de places en infrastructure et en extérieur, du taux de vitrage, de la résistance thermique des parois opaques, et de l'installation de faux planchers et faux plafonds techniques.
Suivant les paramètres étudiés, nous avons analysé leur impact total moyen (tous contributeurs confondus) sur le potentiel de réchauffement climatique, ou plus précisément l’impact moyen des contributeurs PCE et / ou énergie. On parle ici d’impact moyen parce que l'outil utilisé permet de calculer la moyenne des impacts d’une multitude de scénarios modélisés.
Ces résultats ont été mis en relation avec la base de données créée par le Hub avec les données de l’observatoire E+C-, qui recense et corrige les données brutes envoyées par les participants à l’expérimentation E+C- via l’observatoire en ligne.
Les données récoltées n’étant pas toujours de qualité, le Hub a, par exemple, corrigé des erreurs d’unités ou de saisie des caractéristiques énergétiques.
Pour chaque paramètre dont nous avons fait varier les valeurs, nous avons calculé l’écart entre :
Nous avons ensuite divisé cet écart par les valeurs moyennes présentées par le Hub pour les logements et les bureaux, tous niveaux énergie-carbone confondus. Enfin, nous avons pu classer les paramètres en fonction de leur sensibilité.
À partir de nos deux projets, nous avons modélisé 3 nouveaux bâtiments pour chaque typologie (logements et bureaux), avec 3 volumétries différentes mais des surface de plancher4 (SDP) équivalentes :
4La surface de plancher correspond à la somme des surfaces de tous les niveaux construits, clos et couverts, dont la hauteur de plafond est supérieure à 1,80 m.
Le projet de base ayant une volumétrie très compacte en rectangle, nous avons modélisé une variante en L, une en U et, enfin, la moins compacte en H.
Lorsqu’on parle de compacité, on étudie le ratio des surfaces de parois déperditives sur le volume chauffé du bâtiment.
⚠️ Attention : plus un bâtiment est dit compact (la volumétrie en rectangle est très compacte, par exemple), plus ce ratio est faible.
Globalement, plus un bâtiment est compact, plus ses surfaces déperditives vont être réduites, ce qui va diminuer les consommations énergétiques et donc réduire l’impact du contributeur énergie. De plus, la quantité de matériaux utilisée en façade va également être réduite, et avec elle l’impact du contributeur PCE.
Étude de l’influence de la compacité sur les impacts d’un projet de logement et d’un projet de bureau
Pour les deux typologies, le pourcentage de variation d’impact induit par les choix faits sur ce paramètre, par rapport aux valeurs du Hub, est de 9 %. Ce qui veut dire que pour cette étude, l’écart d’impact entre le bâtiment le moins compact et le plus compact, divisé par la valeur moyenne d’impact du Hub, est de 9 %.
👉 Qu’il s’agisse d’un bâtiment de bureaux ou de logements collectifs, la compacité a une influence non négligeable sur l’indicateur de potentiel de réchauffement climatique.
Pour étudier ce paramètre, nous avons fait varier le taux de vitrage des quatre parois des projets, à partir des volumétries en rectangle. Les valeurs des paramètres pour chaque paroi sont discrètes et peuvent prendre les valeurs suivantes : 0 % , 25 %, 50 %, 75 % ou 100 % de surface de vitrage par rapport à la surface de paroi.
Pour le bâtiment de bureaux, nous avons retenu les quatre derniers choix, en considérant qu'il n'existe aucune paroi non vitrée. Pour les logements collectifs, nous avons modélisé un bâtiment avec : 12,5 % de surface vitrée sur l'ensemble des 4 parois*, 25 % et 37,5 %** pour être en cohérence avec des projets réels. En effet, la surface vitrée doit être supérieure ou égale à 1/6 de la surface habitable selon la RT 2012.
Comme beaucoup d’études3 l’ont déjà montré, l’influence du Window-Wall Ratio (WWR - taux de vitrage d’une paroi) sur les consommations énergétiques d’un bâtiment dépend de nombreux paramètres, comme sa localisation, le type de vitrage ou l’orientation des parois. Pour cette étude, on simule des résultats pour toutes les orientations de parois et pour des vitrages double et triple. Et pour la localisation on reste en Seine-Saint-Denis, si vous avez bien suivi !
Étude de l’influence du taux de vitrage sur les impacts d’un projet de logement et d’un projet de bureau
*En modélisant toutes les combinaisons permettant d’obtenir 2 parois à 0 % et 2 parois à 25 %
**En modélisant toutes les combinaisons permettant d’obtenir 2 parois à 25 % et 2 parois à 50 %
L’étude de l’influence du nombre de places de parking se décompose en deux parties :
Nous avons étudié la variation de l’impact du contributeur PCE en fonction de la surface de parking installé, en faisant varier le nombre de places par logements ou rapporté à la surface utile des bureaux.
Étude de l’influence des m² de parkings installés sur l’impact du contributeur PCE d’un projet de logement et d’un projet de bureau
De manière générale, la première place de stationnement installée est la plus carbonée, et les impacts liés aux infrastructures ou au lot VRD sont amortis avec de plus grands parkings.
👉 À l’échelle du bâtiment, l’impact du stationnement est significatif. C’est sur des bâtiments de bureaux, pour des stationnements en infrastructures, que ce paramètre est le plus sensible – c’est là qu’il aura le plus d’influence sur l’impact total du projet : 5 % de variation par rapport à l’impact moyen, contre 2 % pour un stationnement en extérieur.
Pour étudier ce paramètre, nous avons modélisé des parois opaques de résistance thermique variant entre 3 et 10 m².K/W.
Étude de l’influence de la résistance thermique des parois sur les impacts d’un projet de logement et d’un projet de bureau
Sans grande surprise, ce paramètre a beaucoup d’influence sur l’impact du contributeur énergie : il fait diminuer l’impact total d’environ 200 kg eq. CO2/m²sdp pour les logements, et de 100 kg eq. CO2/m²sdp pour les bureaux.
Le recours à l’isolation thermique reste donc pertinent même à performances élevées, car l’augmentation de l’impact du contributeur PCE, qui varie d’environ 20 kg eq. CO2/m²sdp seulement, sur un impact total d’environ 1300 kg eq. CO2/m²sdp, ne vient pas contrebalancer les gains énergétiques.
👉 La résistance thermique des parois a beaucoup plus d’influence sur l’impact total d’un projet de logements collectifs que sur celui d’un projet de bureaux. Le pourcentage de variation d’impact induit par les choix faits sur ce paramètre pour les logements est de 19 % contre seulement 5 % pour les bureaux, par rapport aux valeurs du Hub.
L’impact des faux planchers et faux plafonds est significatif. Leur suppression (ou le recours au réemploi) permettrait de réduire efficacement l’impact total d’un projet.
Étude de l’influence de l’installation de faux plafond et de faux plancher sur les impacts d’un projet de logement et d’un projet de bureau
👉 L’étude de ce paramètre permet de montrer que l’influence de l’installation de faux planchers est bien plus élevée que pour l’installation de faux plafonds. Le pourcentage de variation d’impact induit par le choix d’un faux plancher est de 15 %, contre 2 % pour un faux plafond, par rapport aux valeurs obtenues par le Hub.
Encore une fois, l’objectif de cette étude n'est pas de comparer des solutions de conception entre elles, mais bien de comprendre comment chacun des paramètres de conception d’un projet influence son impact carbone total. Si l’on fait une synthèse…
1 La compacité est le ratio entre les surfaces de parois déperditives du bâtiment, sur son volume chauffé. Plus les surfaces de parois déperditives d’un bâtiment sont faibles, plus le bâtiment est dit compact. Plus l’indice de compacité C est faible, plus le bâtiment est compact.
2 Julien Jacques, Pratique de l’analyse de sensibilité : comment évaluer l’impact des entrées aléatoires sur la sortie d’un modèle mathématique
3 Contributeur PCE pour Produits de Construction et Équipements, qui deviendra « Contributeur Composant » dans la méthodologie de la RE 2020
4 Jalil Shaeri, Amin Habibi, Mahmood Yaghoubi, Ata Chokhachian - The Optimum Window-to-Wall Ratio in Office Buildings for Hot‒Humid, Hot‒Dry, and Cold Climates in Iran - avril 2019
En espérant que ces premiers résultats vous aideront à orienter vos projets dès la conception… à condition que ces tendances se confirment avec la méthodologie qu’apportera la RE 2020 : affaire à suivre !