En 2016, le secteur du bâtiment représentait 30% des émissions de GES en considérant les 3 scopes. À l’aune de la crise climatique et de l’urgence environnementale, le gouvernement s’est donc penché sur cette question, d’abord avec la stratégie nationale bas carbone (SNBC) puis la loi ELAN dont découle le décret tertiaire pour les bâtiments existants, avant de promulguer la RE2020 pour la construction neuve qui comporte également un volet s’appliquant au secteur tertiaire.
La mise en application de la RE2020 sur le parc de la construction neuve s’est faite en plusieurs étapes, pour le volet tertiaire, notamment, tous les bâtiments ne sont pas soumis à la loi au même moment.
La RE2020 remplace la règlementation thermique de 2012 (RT2012) et fait suite à l’expérimentation gouvernementale E+C-. Elle introduit nouveaux indicateurs qui mesurent l’impact environnemental. Cette nouvelle réglementation ne s’applique plus seulement aux besoins énergétiques lors de l’usage du bâtiment, mais à l’ensemble de cycle de vie : production, construction, exploitation et fin de vie.
La RE2020 répond aux enjeux climatiques par 3 grands axes qui s’appliquent également aux bâtiments du secteur tertiaire :
⇒ “Poursuivre l’amélioration de la performance énergétique et la baisse des consommations des bâtiments neufs. La RE2020 va au-delà de l’exigence de la RT2012, en insistant particulièrement sur la performance de l’isolation quel que soit le mode de chauffage installé, grâce au renforcement des exigences sur l’indicateur de besoin bioclimatique, Bbio”
⇒ “Diminuer l’impact des bâtiments neufs sur le climat en prenant en compte l’ensemble des émissions du bâtiment sur son cycle de vie, de la phase de production (extraction des matières premières, le transport, la transformation et la fabrication), puis la phase de construction (transport des produits, processus de construction et installation des matériaux)en passant par la phase d’exploitation (chauffage, eau chaude sanitaire, climatisation, éclairage…) pour arriver sur la fin de vie (déconstruction de l’ouvrage, transport et traitement des matériaux ainsi que le potentiel recyclage et réutilisation des éléments)”
⇒ “Permettre aux occupants de vivre dans un lieu de vie et de travail adapté aux conditions climatiques futures en poursuivant l’objectif de confort en été. Les bâtiments devront mieux résister aux épisodes de canicule, qui seront plus fréquents et intenses du fait du changement climatique.”
Le champ d’application de la RE2020 s’apparente à celui de la RT2012, il s’articule en plusieurs volets :
⇒ Les maisons individuelles et les logements collectifs dans un premier temps
⇒ Les bureaux et les bâtiments d’enseignement primaire et secondaire dans un second temps
⇒ Les bâtiments tertiaires spécifiques : hôtels, commerces, gymnases, médiathèques, crèches et petite enfance dans un troisième temps
En faisant la comparaison des indicateurs avec ceux du résidentiel, on remarque que le calcul de l’IC Construction qui mesure l’impact carbone des matériaux de construction et du chantier ne présente aucune différence. En effet, les changements concernent les seuils eux-mêmes, notamment le seuil de base et les modulations associées, ce qui permet de s’adapter à certaines contraintes du projet.
Pour les bureaux, en plus de la prise en compte de différents facteurs, une modulation supplémentaire a été prévue lors de l’installation de panneaux photovoltaïques sur le toit. Celle-ci a été créée, particulièrement, en réponse à la loi “Climat et Résilience” qui indique que 30% de la toiture doit être couverte soit de panneaux photovoltaïques, soit être végétalisée lorsqu’on construit un bâtiment tertiaire de plus de 1 000m2.
Ainsi, bien que la RE 2020 ne soit pas incitative concernant ce point, elle n’est pas en contradiction avec ce sujet et est particulièrement pertinente lors de la construction de bureaux : l’autoconsommation produite in situ par des panneaux peut répondre aux besoins de climatisation, une demande étant souvent lié à un climat favorable à la production d’énergie par dispositif photovoltaïque.
L’indicateur “Bbio”, qui mesure la bonne conception bioclimatique du bâtiment, en prenant en compte les besoins de chauffage, d’éclairage et de climatisation, a, depuis la RE 2020, des exigences assez élevées. En effet, cet indicateur est dimensionnant en RE2020, contrairement à la RT 2012 qui proposait un seuil plus aisément atteignable.
Aujourd’hui, la conception architecturale d’un bâtiment ne peut plus être corrigée par un simple ajout d’isolant et le respect de l’indicateur “Bbio” doit se faire dans son ensemble. En effet, les solutions compensant une conception qui néglige la performance bioclimatique impliqueront un surcoût important, qui pourrait même mettre en péril le bilan financier de l’opération. C’est pourquoi le bureau d’étude doit être vigilant dès l’esquisse architecturale : il est aujourd’hui nécessaire que ces deux métiers travaillent de concert.
Concernant le confort d’été, la méthode de calcul est la même du résidentiel au tertiaire, mais les seuils sont différents et plus compliqués que sous la RT 2012. Il est nécessaire d’être plus précis avec les données d’entrée qu'auparavant afin de ne pas finir pénalisé par des données par défaut.
Par ailleurs, deux exigences de moyens sont ajoutées pour les locaux :
⇒ Ils doivent être équipés des protections solaires mobiles pour limiter le facteur solaire des baies et respecter certaines valeurs. Celles-ci sont déterminées en fonction de la zone géographique, de l’altitude, de l’exposition au bruit et de l’occupation.
⇒ Les baies d’un même local qui n’est pas à destination d’occupation passagère doivent s’ouvrir sur au moins 30% de leur surface totale sauf si les règles d’hygiène ou de sécurité l’interdisent.
Si la différence d’altitude entre le point bas de son ouverture la plus basse et le point haut de son ouverture la plus haute est égale ou supérieure à 4 mètres, cette limite est ramenée à 10%.
Comme pour les bâtiments résidentiels, les bâtiments tertiaires doivent respecter les seuils de deux indicateurs pour contrôler leur impact environnemental : Ic Energie et l’Ic Construction comme nous l’avons expliqué dans notre article sur la RE 2020.
Concernant l’Ic Energie, outre la distinction entre les bureaux et les bâtiments d’enseignement primaire ou secondaire, on fait également la distinction entre les bâtiments rattachés à un réseau de chaleur urbain et ceux qui ne le sont pas. Cette différence est là, pour encourager le raccordement aux réseaux de chaleur urbain lorsque c’est possible, en particulier s’il est en cours de verdissement, car il y a un réel intérêt environnemental à long terme.
Comme les premiers retours d’expérience le soulignent, si les seuils 2022 sont plutôt atteignables sur les différents indicateurs, bien qu’au vu des demandes Bbio, ce sont les usages qui vont surtout être impactés entre 2022 et 2025. En 2025, cependant, le seuil de l’Ic Construction baisse de 17%, et va donc devenir assez contraignant et dur à respecter. En effet, en plus de devoir choisir les bonnes fiches FDES, et non les fiches de données par défaut, cela pose des vraies questions de conception pure du bâtiment.
Concernant les bureaux, une des difficultés principales remontées par les professionnels concerne les lots techniques.
Si aujourd’hui les lots techniques représentent 40% du poids carbone du bâtiment, en 2025 ils en représenteront 50% et jusqu’à 60% en 2028 (selon une étude du Hub des prescripteurs bas carbone en juin 2023).
En effet, dû au manque de PEP qui remplace le calcul complexe de quantité, on ne peut que très peu agir sur ces lots ou mettre en valeurs les bonnes pratiques associées, ce qui implique qu’on ne pourra opérer que sur 50% lié à la conception et aux matériaux choisis pour les autres lots.
Il y a donc une réelle attente autour des données environnementales des professionnels, mais également autour d’outils de mesure pour évaluer si la quantité de produits installés est cohérente ou non.
Aujourd’hui, on remarque qu’il est possible de respecter les seuils de 2025 grâce à des choix pertinents de conception concernant la compacité du bâtiment et l’intégration de systèmes constructifs biosourcés.
Techniquement, il est souvent plus simple de construire en bois, matériau “puit de carbone” par excellence sur des bâtiments de petite taille, cependant le coût de construction engendré n’est pas accessible pour tous les acteurs. Au contraire sur des bâtiments de plus de 5 000 m², les acteurs ont souvent les moyens de construire en bois.
Il faut néanmoins faire attention à la gestion de nos forêts si on veut pouvoir continuer à construire des bâtiments de ce type.
En effet, aujourd’hui, sur les projets de construction, la provenance des bois n’est pas une demande forte des maîtres d’œuvre : bien que ce soit généralement le bois européen qui soit utilisé et que les labels de certification PEFC et FSC soient systématiquement exigés, le choix est régulièrement laissé à l’entreprise.
Pour avoir la preuve que le bâtiment est issu d’une forêt gérée durablement ou d’une provenance géographique particulière, le maître d’ouvrage doit préciser ces exigences dans le cahier des charges auquel l’entreprise devra répondre. Deux possibilités existent alors : l’entreprise pourra mettre un système de traçabilité de son choix ou fera appel à une marque commerciale justifiant l’origine du bois.
L’Enquête Nationale de la Construction Bois montre que la traçabilité du bois de construction et la demande du bois français est en constante augmentation depuis 2016 : “41 % des entreprises indiquent que leurs clients leur demandent du bois français en 2020. Elles étaient 39 % en 2018.” et 25% en 2016. Par ailleurs, la quasi-totalité des bois proviennent de forêt gérée durablement : 96% en 2020 et 94% en 2018.
Pour rendre le secteur de la construction plus responsable, les méthodes constructives ont évoluées, et les produits aussi. Afin d’atteindre cet objectif, le GIEC préconise aujourd’hui la sobriété dans les constructions.
Pour les 300 membres qui constituent l’organisme, la sobriété nécessaire est bien au-delà de la seule question énergétique : il s’agit également de repenser les constructions et l’habitat tout en gardant la notion de bien-être à l’esprit.
Il préconise par exemple la réduction de l’étalement urbain et une meilleure gestion des habitats pour permettre aux foyers de changer facilement de logement en fonction de l’évolution de leurs besoins. En effet, un des constats de ces dernières années est l’augmentation du m2 par habitant qui vient, non pas de logements plus grands, mais d’une modification de la structure familiale : si auparavant plusieurs générations pouvaient se retrouver sous le même toit, les foyers sont désormais constitués de deux voire quatre personnes lorsqu’il y a des enfants dans le ménage. Or de la surface du logement, dépend la dépense énergétique, notamment le chauffage.
Dans la conception d’un bâtiment, il est aussi important de se pencher sur l’orientation et les dimensions de celui-ci pour permettre de tirer profit des apports naturels de chaleur et d’éclairage, optimiser l’isolation des bâtiments et ainsi, à l’usage, limiter leurs consommations et émissions de gaz à effets de serre. La sobriété doit être intégrée très tôt dans la réflexion pour être la plus efficiente possible. Cette notion de sobriété est également la clé pour remplir les objectifs de la France et du monde au cours des prochaines années pour l’ADEME, notamment atteindre la neutralité carbone en 2050 et limiter le réchauffement climatique. Pour convaincre les détracteurs de cette vision, l’organisme a étudié quatre scénarios pour en analyser les conséquences sur l’économie et le résultat est sans appel : on remarque toujours une croissance de l’économie et non pas une récession comme cela est souvent évoqué. En effet, ce choix mettra en avant le recours aux énergies renouvelables, généralement produites localement, contre les énergies fossiles, importées.
Dans le domaine tertiaire, il existe déjà quelques pistes recensées pour explorer la sobriété d’un bâtiment comme on peut le voir ci-dessous :
Les bâtiments mixtes peuvent être plus complexes à traiter au regard de la RE 2020. En effet, au sein d’un même bâtiment coexistent plusieurs espaces qui ne sont pas soumis aux mêmes normes : on peut y retrouver à la fois des bureaux, des logements et du commerce.
S’il est facilement possible d’extraire des commerces au pied d’immeubles résidentiels du calcul thermique, car habituellement livrés bruts, il est plus compliqué de se positionner d’un point de vue carbone.
Dans nos outils Vizcab, il est possible de créer différentes zones dans un même bâtiment pour permettre le traitement des bâtiments mixtes. Si l’attribution des éléments n’est pas précisément donnée, l’algorithme fera une répartition surfacique pour la plupart des cas (cf - Quelles sont les règles de répartition des composants pour un bâtiment multi-zones ?)
⇒ 1er janvier 2022 pour les bâtiments à usage d’habitation
La RE 2020 est applicable pour la construction des bâtiments ou parties des bâtiments d’habitation qui ont fait l’objet d’une demande de permis de construire ou d’une déclaration préalable déposés à partir du 1er janvier 2022.
⇒ 1er juillet 2022 pour les bâtiments ou partie des bâtiments de bureaux et les locaux d’enseignement primaire ou secondaire
⇒ 1er janvier 2023 pour les extensions de ces constructions et les constructions provisoires
⇒ À une date ultérieure pour les autres bâtiments : commerces, restaurants, hôpitaux, tribunaux, bâtiments industriels, artisanaux etc.
⇒ 1er janvier 2025, évolution des indicateurs IC Construction (diminution moyenne 11,5%) de et IC Energie (diminution moyenne de 50%)