La revue de l’ACV Bâtiment

RE2020 : Quels impacts sur le secteur sont attendus face aux évolutions du 1er janvier 2025 ?

Rédigé par Vizcab.io | avril 2025

S’inscrivant dans la Stratégie Nationale Bas Carbone, la RE2020 accompagne le secteur de la construction pour réduire progressivement son impact environnemental. Le secteur représente aujourd’hui 23% des émissions de gaz à effet de serre et 43% des consommations énergétiques du pays. Dans ce cadre, les exigences de la RE2020 sont renforcées tous les 3 ans. Le premier palier a pris effet au premier janvier 2025. En parallèle de cette baisse prévue, les modulations des seuils réglementaires ont été révisées à partir d’une quarantaine de retours d’expérience récoltés par la DHUP via le RETEX RE2020 afin d’augmenter la pertinence les modulations des seuils à partir de 2025. Quels sont les impacts de ces deux changements pour les acteurs du secteur ?

💡 Pour l’instant, les 4 usages — Maison individuelle, Logement collectif, Bureaux, Enseignement primaire et secondaire — sont les seuls soumis à la RE2020. Dix nouveaux usages devraient les rejoindre, pour une mise en application d’ici le 1er janvier 2026.

Une révision des calculs de modulations des seuils RE2020

Plus de flexibilité dans certains contextes

Première observation : toutes les évolutions de modulations vont dans le sens de donner plus de marge aux seuils dans certains cas identifiés comme trop difficiles à respecter dans les conditions actuelles. Un des rôles des modulations consiste à adapter les seuils définis par la RE2020 aux cas particuliers (situation géographique, petite ou grande surface, etc…). Les premières années de la RE2020 ont permis d’identifier des cas pour lesquels les seuils manquent de pertinence.
💡Rappel : Les exigences sont fixées en kg eq CO2/m² de surface de référence. L’indicateur suivi présente donc un biais pour les bâtiments avec de petites ou très grandes surfaces.

Allègements prévus à partir de 2025 pour certains cas

Ainsi, les exigences ont été allégées via la révision des modulations pour :

  • les petits logements : notamment à cause des lots techniques incompressibles qui pèsent lourd par m²
  • les bâtiments en zones climatiques H2d et H3 avec une altitude inférieure à 400m
  • les bâtiments installant des panneaux photovoltaïques : ils bénéficient maintenant tous de la modulation sur les PV pour être cohérent avec la loi APER, qui encourage leur utilisation.
  • les nouveaux bâtiments ayant l’obligation de se raccorder à un réseau de chaleur classé : la maîtrise d’ouvrage n’ayant pas de pouvoir de décision sur ce choix, ils restent sur le seuil énergie moyen du palier 2022 de la RE2020

Des évolutions concernant les parkings, le VRD et l’infrastructure avaient été proposées mais n’ont pas donné suite.

Des inquiétudes exprimées par les professionnels

Lors des discussions avec la DHUP et le CSTB, les acteurs ont exprimé quelques inquiétudes qui n’ont pas été levées avec les évolutions validées. Elles concernent :

  • La non révision des lots forfaitaires, qui n’encouragent pas le secteur à s’améliorer sur le sujet lots techniques.
  • Le manque de données environnementales pour modéliser les lots techniques, aspect d’optimisation essentiel pour réduire l’impact des bâtiments. Avec les exigences de 2022, des optimisations de structure pouvaient suffire à rester sous le seuil réglementaire alors qu’après le renforcement des seuils en 2025 et ceux à venir en 2028, les lots techniques doivent être adressés dans les stratégies de réduction d’impact environnemental.
  • L’absence de garde-fous en prévision du changement des fiches de la norme +A1 vers +A2. Le secteur doit s’attendre à une augmentation des impacts, due à la méthodologie de calcul différente, et à la réduction du nombre de références accessibles sur la base INIES.

💡 Rappel : Les fiches environnementales étaient soumises à la norme NF EN 15804+A1 et son complément national jusqu’en 2022. Cette dernière a évolué vers la NF EN 15804+A2, impliquant des changements de méthode de calcul pour les impacts des fiches environnementales. Alors que l’utilisation mixte de fiches +A1 et +A2 est tolérée aujourd’hui pour la RE2020, le secteur doit se préparer à la suppression définitive des fiches environnementales +A1 (plus nombreuses aujourd’hui que les +A2 sur INIES) à partir de 2026. Autrement dit : beaucoup moins de fiches disponibles attendues sur INIES et des ordres de grandeur d’impact à se réapproprier. Donc un risque dur à anticiper sur la capacité à respecter les seuils de la réglementation.

Baisse générale des seuils : Quels impacts sur les projets ?

Vizcab participe au groupe de travail RE2020 animé par Ville Aménagement Durable, réseau de professionnels du bâtiment et de l’aménagement durable en Auvergne-Rhône-Alpes. Riche de la présence de nombreux bureaux d’étude et autres professionnels, ce dernier a réalisé une analyse détaillée sur un panel de projets pour identifier les spécificités de la réglementation et de son appropriation pour chaque typologie de bâtiment soumise. La restitution de ce travail lors d’un webinaire organisé en février 2025 a été l’occasion de récapituler les changements prenant effet au premier janvier de cette année.

Impacts notables sur les systèmes et les pratiques

En plus des impacts liés à l’évolution des modulations expliquée précédemment, le groupe souligne les suivants :

  • l’abaissement du seuil Ic énergie max implique l’arrêt d’installations de systèmes gaz dans les bâtiments neufs.
  • l’abaissement du seuil Ic construction max force la prise en compte systématique de choix techniques plus sobres en carbone que dans les pratiques usuelles.
  • La modulation Mi ded est nulle à partir de 2025 (suppression de la compensation liée à l’utilisation d’un nombre important de DED, attribué avant 2025 au manque de complétude de la base INIES), ce qui pousse à mieux prescrire les produits utilisés et donne un avantage aux fabricants qui font les études environnementales de leurs produits.
  • l’abaissement du bbio max incite à réfléchir concrètement à une conception bioclimatique des bâtiments, par l’optimisation de l’enveloppe, l’orientation et la quantité de vitrage notamment

Ainsi, ce premier palier de réduction des exigences accélère la transition du secteur vers des pratiques constructives plus durables, avec tous les challenges opérationnels impliqués pour la filière : balance coût/carbone, évolution des missions, intégration de l’enjeu environnemental en conception, vérification des études, montée en compétence des acteurs, etc.

Messages clés du groupe de travail RE2020 de Ville Aménagement Durable

Suite à son analyse, le groupe de travail a défini quelques messages clés :

  • La programmation est une phase essentielle pour fixer les ambitions environnementales du projet
  • Les trois principes suivants sont la clé d’une conception frugale :
    • Faire le choix de matériaux biosourcés et issus du réemploi
    • Privilégier les systèmes techniques passifs
    • Optimiser le taux de vitrage et la compacité
  • Pour lever les freins à la décarbonation, il faut encourager les fabricants à accélérer la transition vers la norme +A2 et privilégier le choix de données environnementales spécifiques dans les projets
  • Les lots techniques représentent le nouveau poste à optimiser après celui des structures
  • Le confort d’été et la réduction carbone partagent un même combat. Ils vont dans le même sens sur les enjeux de compacité, d’enveloppe thermique, de vitrage et de stratégie passive.
  • Il est nécessaire de considérer toutes les exigences parallèlement : optimisation carbone, coût, accessibilité, contraintes techniques, confort, biodiversité et autres indicateurs écologiques, etc.
  • Il faut anticiper les impacts sur les missions et le planning : démarrer des études en amont, mise à jour des études, suivi en chantier, vérification, etc.

💡 Pour en savoir plus, n’hésitez pas à visionner le replay du webinaire sur la plateforme de Ville Aménagement Durable. En plus du décryptage des changements appliqués en 2025, vous y retrouverez des retours d’expérience détaillés et des enseignements plus précis par typologie de bâtiment, basés sur le panel de projets analysé par le groupe de travail.

À suivre et à retenir

Les réglementations sont la clé pour catalyser la transition du secteur de la construction vers des pratiques plus durables. Cependant, dans un contexte mondial actuel tendu, on observe des retours en arrière sur les sujets qui touchent à l’écologie comme en témoignent le décret du 21 février 2024 à l’échelle française, portant sur la réduction du budget, et dont l’écologie est le poste le plus touché ou encore la directive Omnibus du 26 février 2025 à l’échelle européenne qui révise à la baisse la CSRD. Le nombre d’entreprises concernées par le reporting environnemental obligatoire diminue de 80%. Les plans de simplification des réglementations sont d’actualité tous secteurs confondus, mais les ONG et acteurs de la transition mettent en garde sur les vices cachés de ces révisions qui fragilisent souvent les trajectoires environnementales nécessaires pour assurer un avenir durable.

Récemment, la ministre du logement Valérie Létard a lancé une mission d’évaluation de la réglementation environnementale en matière de construction dans un but de simplification afin de concilier l’impératif climatique et la nécessité de produire des logements accessibles. Les travaux et conclusions de cette évaluation, attendus pour la fin du trimestre, devront être suivis assidûment pour s’assurer que les ambitions des réglementations françaises restent cohérentes face aux défis climatiques qu’elle doit relever. La démarche peut être justifiée car il est connu que les réglementations sont parfois trop éloignées des réalités du terrain. Il est donc pertinent de garder des canaux de communication ouverts pour permettre au secteur d’avancer efficacement et en suivant les bons indicateurs. Il reste à s’assurer que ceux qui parlent le plus fort défendent les bons enjeux.

Avec la RE2020, la France est pionnière dans l’action face aux enjeux de transition écologique. Les contraintes financières et techniques qu’elle engendre sur le secteur doivent être appréhendées comme des opportunités de construire ensemble un avenir durable. Comme souligné dans le présent article, le secteur de la construction doit déjà adapter ses pratiques et ses missions afin de répondre aux exigences réglementaires françaises, renforcées depuis le palier du 1er janvier 2025.