Seuils futurs des indicateurs carbone de la RE2020

RE 2020 et réglementation
Seuils futurs des indicateurs carbone de la RE2020


Article

mai 2025

LaRevueDelACVBatiment_Triangles_V1


Seuils futurs des indicateurs carbone de la RE2020 : deux interprétations complémentaires

Un seuil futur de la RE2020, qu’est ce que c’est ?Une révision des calculs de modulations des seuils RE2020


La Stratégie Nationale Bas Carbone vise la réduction progressive de l’impact environnemental des activités du pays pour atteindre la neutralité carbone en 2050. La RE2020 traduit ces ambitions pour le secteur de la construction, responsable aujourd’hui de 23% des émissions de gaz à effet de serre et 43% des consommations énergétiques du pays. Ainsi, côté carbone, des exigences ont été définies sur les indicateurs Ic_énergie (relatif aux impacts carbone lié à l’utilisation d’énergie pendant l’exploitation du bâtiment) et Ic_construction (relatif aux impacts carbone lié aux produits de construction et équipements, ainsi qu’au chantier de construction).

Pour permettre au secteur de viser la neutralité carbone d’ici 2050, des paliers ont été proposé, avec une réduction progressive des seuils à respecter tous les 3 ans. Il existe aujourd’hui quatre paliers qui entrent respectivement en vigueur le premier janvier de 2022, 2025, 2028 et 2031. La date de dépôt de PC étant celle qui fait foi pour l’application d’un palier ou un autre. Donc pour un projet en 2022, nous savons déjà les exigences prévisionnelles auxquelles devra se soumettre un projet similaire dans 3, 6, 9 ans. C’est ça, un seuil futur ou seuil anticipé. C’est l’idée de comparer un projet à un palier auquel il n’est pas encore soumis.

Pour l’exigence sur Ic energie, seule la valeur pivot Ic_énergie_max_moyen évolue d’une année à l’autre. Pour l’exigence sur Ic construction, deux éléments évoluent : le Ic_construction_max_moyen et la modulation Mided. Cette dernière symbolise l’évolution de la base INIES, considérée de plus en plus fournie en données environnementales spécifiques au fur et à mesure des années. Ainsi, dans les premières années de la réglementation (palier 2022), la modulation Mided apporte un bonus pour compenser l’utilisation forcée de données par défaut. Ce bonus disparaît (palier 2025) puis se transforme en malus dans les paliers suivant (paliers 2028 et 2031), considérant la maitrise d’ouvrage comme responsable d’une utilisation importante de donnée par défaut. Il s’agit alors d’encourager la filière à qualifier environnementalement les produits de construction et équipements, et à les utiliser dans les projets de construction.

Donc, dans le cas de Ic_construction_max, deux interprétations co-existent quand on parle de “seuils futurs” ou “seuils anticipés” :

  • CAS 1. La considération de la modulation Mided de l’année du seuil calculé, pour chacun des seuils futurs. Il s’agit donc du vrai seuil qu’un projet similaire devra respecter dans l’année d’application du seuil futur.
  • CAS 2. La considération de la modulation Mided de l’année de dépôt de PC réelle du projet pour le calcul de tous les seuils futurs. Il s’agit des seuils futurs calculés en tenant compte de l'état actuel de la base INIES et pour montrer la vertu d’un projet dans le contexte de son année de construction, avec les données environnementales disponibles.

Pourquoi on s’intéresse aux seuils futurs ?

Lors de l’expérimentation E+C- qui a précédé l’entrée en vigueur de la RE2020, certaines maîtrises d’ouvrage ont pris pour habitude d’inclure un niveau E+C- (de E2C4 à E1C1) dans leur cahier des charges. Cela permet de donner une ambition environnementale à un projet et de le valoriser.

Originellement, un label d’état aurait dû accompagner la RE2020 pour pouvoir mettre en avant les projets qui vont plus loin que la réglementation. Ce dernier n’ayant finalement pas été mis en place, il a rapidement été d’usage de comparer les projets aux seuils des années futures pour démontrer leur ambition. Or, ces paliers n’ont pas été pensés pour être utilisés de manière anticipée, d’où la confusion d’interprétation qui peut en découler.

On remarque aussi une inquiétude des différents acteurs pour aligner la réalité du terrain et les exigences de la réglementation. Comparer ses projets aux seuils futurs permet d’anticiper les adaptations nécessaires de la filière, ou encore de faire remonter les incohérences de la réglementation comme dans le cadre du RETEX RE2020 par exemple, qui a recueilli les retours de la filière sur l’implémentation de la RE2020.

Finalement, il y a plusieurs facteurs qui poussent à s’intéresser en anticipation aux prochains seuils, notamment :

  • Répondre aux exigences de la MOA
  • Valoriser son projet comme ambitieux sur les questions environnementales
  • Préparer une stratégie de décarbonation cohérente avec l’évolution de la réglementation
  • Identifier les leviers d’action prioritaires pour la décarbonation de son parc de bâtiments neufs

Les cas 1 et 2 décrit ci-dessus d’interprétation des seuils futurs donnent des informations complémentaires et sont plus ou moins pertinents selon la raison pour laquelle les seuils futurs sont consultés.

Que dit la réglementation ? 

Les règles de calcul des seuils futurs ne rentrent pas dans le cadre de la réglementation, qui se concentre uniquement sur les exigences effectivement à respecter pour le projet. Lorsque nous avons posé la question à la DHUP s’ils se positionnaient sur une des deux méthodes pour appréhender les seuils futurs, ils ont répondu ceci :

Votre question ne relève pas directement de la réglementation, donc le ministère (DHUP) ne pourra pas donner de consigne particulière sur le sujet. Les deux approches, que vous pointez, sont pertinentes et donnent des informations différentes.

Néanmoins, dans les dernières versions du RSEE, des champs ont été ajoutés pour exporter les 4 paliers temporels. Le cas retenu pour l’export est le cas 2 présenté ci-dessus, comme mentionné dans la citation suivante de la DHUP :

A titre informatif, diverses dispositions réglementaires (Pinel+, dérogation de hauteur, bonus de constructibilité, etc.) s'appuie sur des seuils RE2020 anticipés. Pour celles-ci, la modulation Mided n'a pas été modifié et est bien celle en vigueur sur la période 2022-2024 (pour tenir compte de l'état de la base Inies).

Ils précisent tout de même que l’ACViste reste libre d’analyser son projet au regard du cas qui lui semble le plus pertinent.

L'ACViste est libre de retenir ou non l'évolution de Mided lors du calcul des seuils anticipés de la RE2020, dans le cadre d'une démarche volontaire. En effet, les prérogatives de la DHUP se limite à la réglementation.

L’interprétation privilégiée chez Vizcab

Chez Vizcab, nous préférons le cas 1 de calcul comme déjà mentionné dans cet article de notre base de connaissance. Il s’agit donc de celui que nous affichons par défaut dans nos interfaces. Cependant, le second cas de calcul peut également être affiché, et est bien exporté dans le RSEE comme demandé par la DHUP.

Nous avons la conviction que le secteur de la construction doit évoluer rapidement vers des pratiques plus durables. Or, le cas 2 semble freiner cette ambition. Certes, Mided symbolise l’évolution de la base INIES. En revanche, il ne représente pas son évolution réelle. Pour éviter les “mauvaises surprises” à l’entrée en application d’un nouveau palier, mieux vaut y avoir été préparé en amont, avec les réelles valeurs des seuils. De plus, il y a un enjeux important sur la mobilisation des fabricants pour produire de la donnée environnementale de qualité. Or, l’incitation à progresser rapidement sur le sujet est d’autant plus forte si on considère tout de suite l’évolution de Mided pour les prochains paliers. Cela encourage les efforts de prescriptions, essentiels pour que la filière prenne le bon virage en matière de durabilité.

La complétude de la base INIES est un véritable enjeu pour assurer une comptabilité carbone de qualité. Plusieurs professionnels alertent déjà sur le nombre de données environnementales trop faible pour modéliser les lots techniques, prochain poste d’optimisation important après la structure, comme mentionné dans notre article RE2020 : Quels impacts sur le secteur sont attendus face aux évolutions du 1er janvier 2025 ?. Accorder de la souplesse sur Mided n’encourage pas les fabricants à s’aligner plus vite sur les besoins en FDES et PEP, ralentissant ainsi la vitesse d’adaptation du secteur.

Et vous dans tout ça ?

La prochaine fois que vous serez confrontés à l’exploitation des seuils futurs, que ce soit de votre propre initiative ou suite à la demande d’un tiers, pensez à clarifier de quels seuils futurs il est question. Nous espérons que cet article aura pu éclairer les différentes interprétations possibles et les enjeux associés.

La RE2020 est une nouvelle contrainte pour des projets et un secteur déjà sous tension. Mais c’est aussi l’opportunité de le faire évoluer ensemble vers de meilleures pratiques, essentielles pour assurer un futur serein et durable. Donc, dans la mesure du réaliste, ne soutenons pas de retro pédalage sur les seuils futurs, si on veut éviter des deuils futurs !

Le Glossaire du bas carbone  Top 100 des mots à connaître